“Danser au centre de la Terre”
Soumis par Administrateur le lun, 05/07/2021 - 16:37À partir du 9 juillet, la ville accueille en bord de Marne1 une exposition de photos originales issues d’une performance dansée dans… un chantier du métro Grand Paris Express. Rencontre avec Luz Moreno, scénographe du « Dialogue Dansé » créé en avril avec le danseur-chorégraphe Benjamin Bertrand. Pas chassé en profondeur, dans le chantier de l’ouvrage Salengro.
Une chorégraphie dans un chantier, c’est plutôt rare ! Comment cela est-il arrivé ?
C’est un peu un rêve d’enfant que j’ai pu réaliser ! Depuis petite, je baigne dans l’univers des chantiers. Mon père était architecte, et je passais une journée par mois sur les chantiers ; leur aspect « brut » m’a très vite interpellée.
Comme je suis une artiste multifacettes2, j’ai répondu à l’appel à projets « Partage ton Grand Paris »3, et le jury a choisi mon projet ainsi que 15 autres pour faire vivre autrement les chantiers du métro. L’idée ? Créer une chorégraphie dans le chantier, la capter en vidéo et photo pour la faire vivre dans la ville et donner à voir le chantier autrement.
Comment est née la rencontre de ces deux univers, du vivant et du bâti ?
Un chantier est vivant, lui aussi ! L’an dernier, en résidence artistique à Kyoto, à la Villa Kujoyama, qui développe une approche pluridisciplinaire, j’ai rencontré Benjamin Bertrand, qui est danseur chorégraphe. Et on a eu cette idée de mêler la danse et la construction, le corps humain et le « brutalisme » du chantier. On avait cette envie de voir comment ils allaient interagir, de voir comment allait se faire la rencontre entre matériau vivant et matériaux solides. L’appel à projets est arrivé au bon moment pour nous permettre de concrétiser notre approche !
Le chantier de l’ouvrage Salengro, future zone d’aiguillage, est un décor hors normes. Comment vous êtes-vous appropriée cette scène souterraine ?
C’était un terrain de jeu exceptionnel, avec une forte dimension théâtrale, presque lyrique. Dès la première visite, le puits de lumière nous a captivés. Pour placer le danseur, nous avons choisi 5 points du chantier qui nous permettaient de jouer avec la lumière naturelle. La gestuelle de Benjamin a été pensée pour le mouvement, le visuel de l’image, et en s’appuyant sur le toucher des différentes matières du lieu -béton, textile, terre…- Et les prises de vue, en grand angle, font ressortir l’immensité du site. Le chantier est à sa façon une œuvre d’art, que nous animons.
Notre challenge : lui donner vie, y amener de la poésie et de l’art ! Il y a eu des sensations impressionnantes, des moments où on ressent toute la puissance de la Terre ! Cette journée a été d’une émotion et d’une sensibilité incroyables. C’est une expérience de création et de partage que j’aimerais pouvoir renouveler sur d’autres sites.
Que montre l’exposition ?
10 panneaux grand format, panoramiques – 140 cm/78 cm-, qui montrent les 5 points de décor sélectionnés. Ils invitent le spectateur à se balader dans le chantier, avec le danseur. Benjamin dansait torse nu et en chaussures de sécurité -il a fait les pointes !- , pour faire vivre les contrastes et les matières. Chacun peut laisser vagabonder son imagination, pour découvrir ces endroits à la fois exceptionnels et éphémères. Ce temps de création artistique s’inscrit désormais dans l’histoire de la construction du métro et dans la mémoire de Champigny.
1/ face au Musée de la résistance nationale, 40 quai Victor-Hugo.
2/ Luz Moreno est aussi designer plasticienne, et co-créatrice de Toolsoffood.
3/ Appel à projets artistiques lancé par la Société du Grand Paris, avec la Métropole du Grand Paris, la Direction régionale des affaires culturelles… A retrouver : #PartageTonGRandPAris
Par Béatrice Lovisa