Nadia Otsmane a fait de ses convictions une raison d’être et de transmettre. Enseignante en français, elle est aussi référente éducation développement durable au collège Willy-Ronis. Retour sur son parcours et son engagement écologique.
L'école de la République, c’est un sujet que vous connaissez bien…
Nadia Otsmane : Ma mère était polonaise et mon père algérien. Ils se sont connus en Pologne, pays qu’ils ont dû quitter pour s’installer en France où je suis née. J’ai grandi du côté d’Aubervilliers dans un studio avant de déménager à Aulnay-sous-Bois où j’ai passé le plus clair de mon adolescence. Malgré les difficultés de vie, j’ai pu accéder aux études et saisir cet ascenseur social que la France pouvait offrir grâce à son école ; tout cela je le dois à l’école publique, à mes parents qui faisaient confiance aux profs et à l’institution. C’est peut-être ce qui se perd aujourd’hui…
A quoi correspond votre choix d’enseigner le français et les lettres ?
NO : Ma mère ne parlait pas français lorsqu'elle est arrivée ici et, pourtant, j’ai choisi d’enseigner le français. Petite, je m’endormais avec mes livres, comme on utilise son doudou ; j'adorais apprendre ! Et, plus tard, lorsque s’est posée la question de mon orientation professionnelle, j’ai hésité entre les lettres et la philosophie pour finalement choisir les lettres, car je souhaitais enseigner aux plus jeunes, en collège. Beaucoup de choses s’y sont jouées pour moi, parfois terribles… A l'époque, j’étais élève en ZEP (actuelle REP +), le harcèlement était présent ; aussi enseigner au collège me permet aujourd’hui de veiller sur ce type de situations qui perdurent encore malheureusement. Oui, enseigner est une réparation, pour aider ceux qui sont en difficulté, réparer les injustices.
Pourquoi avez-vous opté pour cette fonction de référente développement durable ?
NO : Elle a été promue en 2016 par le ministère de l’Education nationale sans que ce soit une obligation pour les établissements. Avec l’arrivée de Laurence Portier, la principale, qui a fait de l'éducation au développement durable une priorité du collège, j’ai pu aller plus loin que ce qui avait déjà été mis en place auparavant, comme le Défi Papiers. Des ateliers relaient maintenant les grandes journées et temps forts nationaux, des projets annuels sont engagés avec certaines classes. Le collège participe au Clean Up Day et a aidé à son élargissement sur la ville, il a milité pour l’intégration d’un menu végétarien et la collecte des bio-déchets... ... On essaie de sensibiliser le plus possible, d’élargir chaque année un peu plus. Et c’est important d’avoir du répondant en face, que ce soit la ville de Champigny ou le Département, pour nous accompagner et nous soutenir, parce que les actions du collège rentrent dans le projet de ville.
L’écologie, le développement durable vous ont-ils toujours porté ?
NO : Petite déjà, je passais mes journées dehors, dans les espaces arborés, pour soigner les oisillons qui tombaient de leur nid, observer les vers de terre… Le contact avec la nature était une soupape pour respirer dans l’urbanité, et ce lien se perd pour les jeunes générations. Créer un jardin partagé au sein de l’établissement va dans ce sens ; y installer des nichoirs, c’est renforcer ce mouvement. La jeunesse d’aujourd’hui n’a plus cette filiation à la terre, celle que nos parents ont connue, aussi, je ne manque pas de rappeler aux élèves que nous sommes les enfants de la terre. Même si l’image est convenue, elle a du sens et prendre conscience que c’est grâce à elle que l’on vit !
L’écologie est-elle importante à vos yeux ?
NO : J’essaie d’être en paix avec moi-même, tant le sujet me met mal à l’aise, surtout quand on sait que tous les voyants sont au rouge ! Je suis heureuse de pouvoir œuvrer dans le cadre de mon métier sur le sujet de l’écologie car, oui, on est tous responsables de la planète. Je suis convaincue que chacun à son échelle se doit de faire pour elle comme le colibri. Moi-même, j’ai intégré le « zéro déchet » dans mes modes de vie ! Je rêve d’un gouvernement militant sur ce thème, mais faute d’implication actuelle au plus haut niveau, j'aide les élèves à s’en emparer. Et là, je suis toujours étonnée. Ils portent ces questions en eux avec une vision neuve et des idéaux ; ce sont déjà des citoyens sur ce sujet qui ne sont pas désabusés, mais vertueux !
Par Virginie Riccio
Photo : Didier Rullier
Novembre 2019