Nélia Barbosa. À 20 ans, la jeune licenciée du Red Star Club de Champigny (RSCC), amputée à la jambe droite, se bat au plus haut niveau pour faire valoir ses droits de femme handicapée. Le 23 août dernier, elle a remporté sa place aux Jeux Olympiques de Tokyo en 2020, lors des Championnats du monde en Hongrie.
Quels souvenirs gardez-vous de vos débuts au RSCC ?
Lorsque j’ai commencé le kayak à l’âge de 12 ans ½, je n’imaginais pas du tout qu’un jour je ferai de la compétition. Atteinte depuis la naissance de neurofibromatose, déformant mon pied et mon tibia droits, je n’arrivais pas à me caler dans le bateau. Mais le handicap ne pouvait pas être un frein, et encore moins un prétexte pour moins travailler que les valides. Les autres licenciés ont été solidaires et, très vite, ils ont oublié ma particularité. Motivée par mes proches et mon entraineur, j’ai tout fait pour m’adapter, je me suis surpassée et j’ai progressé jusqu’à décrocher en mai dernier la médaille d’argent du Championnat d’Europe en paracanoë, en Pologne.
Quelle place occupe aujourd’hui le sport dans votre vie ?
Je m’entraîne 4 à 5 fois par semaine, et 5 à 6 fois à l’approche des compétitions. Chaque été, je participe au stage annuel de l’équipe de France pendant un mois. Entre le kayak et mes études en design de produits, j’ai un rythme très soutenu. La pratique sportive m’a permis de surmonter les épreuves et a forgé mon caractère. À travers mon expérience, je témoigne qu’une personne handicapée n’est pas une personne abattue.
Comment avez-vous vécu l’amputation de votre tibia droit, en 2017 ?
Quand on m’a annoncé que je devais subir cette opération, j’ai surtout été très angoissée à l’idée de devoir renoncer au kayak. Puis j’ai pris conscience qu’il était temps pour moi de passer à autre chose, de me libérer. J’ai rencontré des sportifs qui avaient vécu cette épreuve au centre de rééducation de Valenton. Nous avons beaucoup échangé et cela m’a donné confiance en l’avenir. C’était le début d’une toute nouvelle aventure, avec ma prothèse tibiale…
Qu’aimeriez-vous dire à ceux qui, du fait de leur genre ou de leur particularité, « ne s’autorisent pas à » ?
Concernant le sport notamment, il n’existe pas de pratiques réservées aux hommes et d’autres aux femmes. Beaucoup de personnes hésitent à se lancer. Il ne faut pas avoir peur et avancer. En tant que personne handicapée et femme, je me dois de montrer que je peux faire autant qu’une personne valide et qu’un homme. Chacun a sa place dans la société. Mon conseil : ne baissez jamais les bras, battez-vous pour vos droits !
Le 23 août 2019, lors des championnats du monde, vous avez gagné votre place aux JO de Tokyo…
J’ai réalisé une belle finale et j’ai terminé au pied du podium, à la 4e place. Mais il va falloir que je descende encore mon chrono pour prétendre à un podium lors des prochains championnats du monde en Allemagne en mai 2020. Je ne peux pas me permettre de me contenter d’une 4e place si je veux décrocher une médaille aux JO. C’est le début d’une grande aventure, autant pour moi que pour mon entourage qui me soutient au quotidien.
Ces premiers championnats du monde m’ont permis d’acquérir de l’expérience, et d’envisager de nouvelles pistes de travail pour progresser. Il y a de plus en plus de filles sur le circuit, ce qui me motive deux fois plus et crédibilise ce sport, encore trop peu connu.
Comment voyez-vous votre vie future ?
Je pense rester en région parisienne car j’adore le foisonnement de vie qui y règne. Diplômée d’un BTS design de produits et soucieuse de l’avenir de la planète, j’aimerai créer des vêtements et accessoires sportifs durables et de qualité avec des matériaux éco-responsables. Mais avant cela, j’ai un rêve à réaliser : participer aux Jeux olympiques de Tokyo 2020 et Paris 2024, et faire le maximum pour rapporter des médailles à Champigny !
Par Sandrine Becker
À lire : le portrait de Nélia dans le magazine municipal de septembre.
Légendes photos
Nélia Barbosa au Championnat d’Europe : sur l’eau ; sur le podium avec la polonaise Katarzyna Sobzak et à la 3e place l’anglaise Laura Sugar ; avec Eddie Potdevin, autre médaillé de l’équipe de France qui concourait en pirogue.
Crédits : DR, X. Cambervel