C’est dans la chaleur d’une famille unie au cœur du Bois-L’Abbé que Nicolas Polixene a senti sa vocation de scénariste-réalisateur. Depuis, son court-métrage tourné en Guadeloupe, a reçu des récompenses dans les festivals internationaux, notamment au Chelsea Film Festival de New-York. Le 7e art lui ouvre ses portes et le Campinois avance, humble et pugnace. Pacifique.
Quels souvenirs gardez-vous de vos années au Bois-L’Abbé ?
Beaucoup de bons souvenirs car mes sœurs et moi avons eu ce dont on avait besoin à la maison, nos parents ont tout fait pour nos études. Mes parents sont martiniquais et j’ai grandi dans l’univers de la mixité, dans tout ce que la France a de plus riche. Mon père était très cinéphile et écoutait beaucoup de musique ; j’ai toujours réfléchi au sens des mots et mis des émotions sur les images. J’étais sensibilisé, mais le cinéma me paraissait inaccessible en tant que jeune de banlieue. Alors que j’étais à la fac, en DEUG math et informatique, j’ai décidé de changer de voie, direction une école de cinéma. Malgré ce que l’on peut entendre, les jeunes ont une flamme et l’envie de s’en sortir. C’est une énergie inépuisable. Quand je vois aujourd’hui cette misère sociale, je me dis que je suis un privilégié et que je dois me battre pour mon rêve.
De Dreamed à Papé, qu’est-ce qui a changé ?
Mes premiers écrits viennent de la colère contre les inégalités et le racisme, comme Dreamed, réalisé à 21 ans à Champigny. Ensuite, je me suis lancé dans un documentaire sur la traite négrière, mais le projet n’a pas abouti. Je me suis remis en cause et le prix Océans1 en 2014 du meilleur scénario pour Papé, reçu au Festival de Cannes en 2015, a tout changé. Papé parle d’une histoire d’amour entre un vieux pêcheur et sa femme disparue, et de la filiation : qu’est-ce qu’on garde de l’ancien temps et comment on transmet à la jeune génération. Je voulais aussi une image loin des clichés paradisiaques, une musique universelle, mais pas folklorique ; et le créole en langage principal. L’authenticité du film a d’ailleurs touché les spectateurs. Ce qui me rend le plus fier, c’est que le film voyage partout ; le créole n’est plus une langue de la honte. Mon envie est de pacifier alors qu’on passe notre temps à se diviser. C’est l’humain qui m’intéresse avant tout.
Papé, récompensé à l’international, est un tremplin ?
C’est difficile d’apprécier les petites victoires car je pense toujours aux étapes d’après... Le succès de Papé n’est pas une fin en soi ; je suis heureux, mais la route est longue. J’ai envie de raconter des histoires sur la cause noire, mais aussi de réaliser un polar avec un serial-killer ! Je travaille sur plusieurs courts et un long, c’est une étape importante car il faut conserver un haut niveau d’exigence. Il faut le faire avec un bon scénario, qui ait un supplément d’âme. La technique ne doit pas prendre le pas sur mon instinct. Quant au long métrage, je l’ai depuis longtemps dans la tête : il se passera pendant la Seconde Guerre mondiale aux Antilles et abordera la Résistance créole.
1 Créé en 2013 pour les artistes francophones dont la fiction doit se passer en Outremer. France Télévisions finance une partie de réalisation du scénario gagnant.
Propos receuillis par Sophie Durat
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PAPE de Nicolas Polixene (2015) - Trailer from V.O. Films on Vimeo.